Blog
  • Main page
05
10
2018

Mon Wing Chun est le vrai ! Non c’est le mien le vrai !! Episode 1

On voit en permanence chaque école de Wing Chun se revendiquer traditionnelle, chaque élève qui a foi en sa lignée va batailler en essayant d’imposer ses convictions, mon école est la vraie, la traditionnelle.

Il est important de rétablir la vérité !

Une tradition est une façon de faire un acte, de véhiculer une pensée ou d’adopter une attitude qui va être transmise de génération en génération, donc partant de ce pré-requis on peut dire que chaque école de Wing Chun qui suit les 3 formes à mains nues, la forme du mannequin et les formes avec armes sont dans la tradition du style WingChun.

Voilà je pourrais m’arrêter là, car je viens de dire grosso modo que toutes les écoles sont traditionnelles donc tout le monde a raison, mais je vous invite à faire évoluer votre champ de conscience.

Car si chaque école suit une partie de la tradition, il n’en reste pas moins que cela n’est qu’une toute petite partie de l’iceberg, qu’en fait cette tradition que nous suivons tous est le minimum vital et que nous sommes entrain de perdre la partie immergée du Wing  Chun.

Je vous invite donc à faire un point et essayer d’aller chercher la nature profonde du WingChun.

Cet art martial né en Chine est baigné dans les racines de la tradition taôiste, il a donc pour fondation le Taoïsme (enseignement de la Voie), qui est à la base, une philosophie et qui deviendra même pour certains une religion.

Le Taôisme se fonde sur le principe qui est à l’origine de toute chose : le Tao.

Je ne me lancerai pas dans trop d’explications car le but est de ne pas trop s’éloigner de notre art le WingChun, mais il est important pour comprendre la construction du Wing Chun de retenir que le chiffre 9 est un chiffre très spécial pour les taôistes, pour preuve le Tao Te King recèle 81 chapitres qui est 9 au carré, 81 étant symbole de la perfection.

Le Wing Chun a été créé avec cette base du 9 :

Il existe 3 formes à mains nues, chaque forme étant elle même composée de trois sections (3×3=9) et il y a trois formes avec support (mannequin) et armes (couteaux/bâtons),chacune de ces formes étant elle même composée de trois sections (3×3=9).

Ces deux parties mises bout à bout réalisent la perfection 9×9=81

La représentation traditionnelle est avec la forme géométrique du triangle qui symbolise un des préceptes les plus connus du Tao qui peut se retrouver dans le chapitre 42 du Tao Te King :

« Le Tao a produit Un, Un a produit deux, deux a produit trois, trois a produit les dix mille êtres. »

On retrouve d’ailleurs une maxime similaire dans les « Kuen Kiu », les mots du Wing Chun :

« 10000 techniques proviennent du centre »

Pour faire simple, on imagine qu’il y a toujours un minimum de trois visions/idées/concepts dans chacune des formes à découvrir puis pratiquer, ce qui permettra de créer les 10000.

Ces 10000 étant la représentation d’un autre symbole du taoïsme les 5 éléments.

La représentation géométrique en triangle  étant difficile à comprendre, j’utilise une  illustration avec une dissection en forme de rectangle, cela permet ainsi de tracer le cheminement  de l’apprentissage tel qu’il était fait avant 1850 (1820-1850). Bien sûr il se peut qu’encore avant il y ait eu d’autres cheminements mais aucun écrit historique ne permet d’en être sûr.

On peut voir que dans la construction traditionnelle, on passait d’abord l’ensemble des visions (versions) d’un tao avant de rentrer dans un autre, l’apprentissage d’une forme pouvant ainsi prendre plusieurs années.

Puis après 1850, le cheminement  d’apprentissage a changé, il est dit que ce sont des données historiques qui ont motivé ce changement (Les mandchous au pouvoir, les chinois de souche voulant alors armer le peuple rapidement pour bouter celui qu’ils considèrent comme l’envahisseur).

On peut voir que l’on entre dans chaque forme plus rapidement et qu’on y revient après avoir balayé l’ensemble au moins une fois.

Il y a ensuite eu un nouveau changement dans les années 1950 avec l’industrialisation, mais aussi avec l’arrivée des méthodes d’enseignement occidentales, l’exemple le plus marquant étant Ip Man qui a eu la possibilité de faire des études au St Stephen collège de Hong Kong.

Dans la modification apportée dans les années 1950, on voit que le choix des enseignants était de traverser le plus vite possible les trois taos, le Siu Lim est alors la version la plus yang pour acquérir les bases utiles, pour passer très vite dans un Cham Kiu assez offensif yang aussi pour ensuite allez direct sur un Biu Jee.

Les profs chinois ont forcé le trait de ce choix dès lors qu’ils ont eu des élèves occidentaux, car ces élèves venant pour une période plus ou moins courte ils avaient assez peu de temps pour apprendre mais les chinois étant très fiers il fallait des résultats visibles alors on prend le yang de toutes les versions et hop !, le tour est joué.

On voit bien la compression de l’enseignement et comme on peut le voir, tout est question de temps, ce temps qui court et qui nous manque de plus en plus.

Avant on prenait le temps, on allait donc passer dans toutes les versions et si une vie ne suffisait pas cela n’était pas bien grave. Mais avec l’industrialisation, la culture qui à évolué, aujourd’hui on veut vivre plusieurs vies en une et donc tous les systèmes d’enseignement y compris le Wing Chun se sont tassés pour ne conserver que certaines choses, pas parce que untel ou untel est mauvais mais parce qu’on n’a plus de temps, enfin de moins en moins. Bien sûr si on continue sur ce rythme à un moment donné les connaissances seront dissoutes et perdues.

De nos jours par comparaison, l’enseignement traditionnel peut paraître déroutant par ses allers-venues entre les sections et les formes, mais pourtant, c’est la garantie de ne pas perdre toute la richesse de ce système. Alors d’après vous, quelle voie est suivie à France Wing Chun ? patience, vous le saurez dans l’épisode 2 !

author: Lionel Roulier

Comment
8
Seb

Cet article est très intéressant. il est riche d’enseignements historiques et taoïstes.

Lionel Roulier

🙂 si j’avais parlé vraiment d’histoire j’aurais du dire que les mandchous, c’était la dynastie Qing, qu’elle à succédé a la dynastie Ming en 1616, mais a instaurer sont régime politique après la prise de Pekin en 1644, que cette dynastie a prit fin en 1912 avec l’abdication du dernier empereur de Chine, Puyi suite à la révolution chinoise de 1911, laissant place à la republique de Chine 😀

Et si j’avais vraiment parlé de taoisme, j’aurais dit que les pour les Chinois et en particulier pour les taoïstes, les nombres sont producteurs du monde. Ainsi, un commentateur taoïste du 14e siècle déclare que « le Ciel et la Terre circulent et opèrent par les nombres, que les dix mille êtres naissent par les nombres, que les nombres sont le mouvement et le repos du yin et du yang dans le « Taiji ». Le Un en tant que producteur du monde reflète le monisme fondamental des Chinois, le Deux engendre le Trois (et non le Quatre, comme dans le Yi jing et chez Shao Yong, par exemple). Ce Trois (contenu dans l’Un du Taiji, selon une célèbre phrase du Honshu 21 A, souvent rappelée par les taoïstes) représente le concours des deux forces complémentaires yin- yang, ainsi que leur produit.Je passe les autres pour juste finir mon commentaire en expliquant que le chiffre 9 est le dernier des nombres premiers (c’est- à-dire, 1,…,9), il symbolise leur épuisement « jiu », après quoi, le comput revient à l’Unité au Un.

Ok si j’avais dit tout ça personne aurait lu jusqu’au bout l’article, Non ? 🙂

Ps: Voir le livre d’Isabelle Robinet sur le rôle et le sens des nombres dans la cosmologie et l’alchimie taoïste, qu’on peut trouver sur le net 😉

Sab

Super génial cet article, merci!

La tradition je pensais que c’était aussi ce qui se rapprochait de la source, de l’origine. Est-ce que quelquepart il n’est pas inévitable de diluer petit à petit les connaissances dans les différentes lignées (par exemple tel maître est plutôt yang et aura éludé les aspects yin) ?
De ce que je comprends, c’est comme si la connaissance, au lieu d’être rassemblée au même endroit (comme dans le schéma pre/post 1850) était maintenant répartie à différents endroits (comme le schéma post 1950, mais avec un chemin de ce type emprunté par chaque école).
Comme si le Wing Chun lui même de Un était devenu 10000 🙂

Jean-elie

Bonjour article intéressant , un peu complexe mais il y a quelque chose que je comprends pas. On dit que c’est un art taoïste mais il vient de Shaolin donc bouddhiste, est ce qu’on peut m’expliquer ? Merci

Lionel Roulier

salut Sab;

Je ne pense pas que la dilution soit inévitable, encore une fois cela dépend exclusivement du pratiquant d’aller explorer toutes les voies possibles, mais c’est vrai qu’à partir du moment ou l’on fait des choix bien distinct tel que ne voir que l’art pour sa nature combat (Yang) on peut passer à côté de sa nature santé (Yin).

Sur ta deuxième réflexion, je te rejoins tout à fait, j’ai moi-même constaté que si je n’avais pas appris de ces deux lignées, je n’aurais peut-être que vu une seule face de la pièce, aujourd’hui tout le monde détiens des morceaux du puzzle.

Lionel Roulier

Bonjour Jean-elie;

Il faut tout d’abord savoir que cette croyance que le wing Chun vient de Shaolin est fausse !

Le wing Chun n’y est pas née, mais c’est vrai qu’on lui prête cette légende car ce qu’il faut savoir c’est que ceux qui apprenaient les arts martiaux à une certaines période était poursuivi par le pouvoir en place qui avait interdit cette pratique afin de bien sûr conserver le pouvoir.

Les pratiquants devaient alors se cacher. Afin de se reconnaître les pratiquants ont utilisé un stratagème, quand il se rencontrait si l’un des pratiquants disait qu’il venait du temple de Shaolin du Henan (il me semble que c’était Henan, je vérifierais si le nom est correct) alors celui qui connaissait le mot de passe savait qu’il était une personne initié et digne de confiance car ce temple n’existait pas en réalité 🙂

Voilà comment cette fausse croyance est aujourd’hui une histoire que l’on raconte partout, si vous voulez vérifier ses dires, lisez le livre de Maître Leung Ting, Roots of Wing Chuncqui a fait un travail de recherche incroyable.

Ce que je peux dire c’est que les chinois ne sont pas toujours très loquaces à parler de cette vérité, car cela touche à la notion de triade (dans ce cas-ci la secte Hun Moon), les Chinois ne parlent jamais des triades, c’est comme en Italie la/les mafias 😉

Ensuite pour répondre, à votre question sur la nature taoïste ou bouddhiste.

Le bouddhisme venu d’inde apparaît en Chine au 1er siècle de notre ère et son influence ne fait que croître, surtout à partir du IVe siècle par. J. -C, qui a été effectivement assez pratiquer dans les temples et notamment Shaolin qui avait des liens fort avec d’autres temples d’Asie.

Le taoïsme, quant à lui est l’un des deux grands systèmes de pensée qui se sont développés en Chine.

Je pense qu’il y a assez d’informations à lire sur le net si vous voulez en savoir plus 😉

Jean-elie

Merci pour ta réponse, c’est vraiment très intéressant et effectivement plus crédible. Je vais m’intéresser a ce livre, il y aurait il des sources en français ? Du coup le Wing chinois viendrait des triades ? Si tu veux écrire un article sur ce sujet ne te gêne pas lol

Lionel Roulier

Il n’y a aucun livre en Français sur le sujet 😉

Le Wing Chun ne vient pas des triades 🙂 je vais mettre ce thème sur ma liste d’article à écrire 😀

Leave a reply

Chargement...