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23
07
2018

Les 3 règles invariables du combat

J’écris cet article suite à une discussion lancée sur le forum qu’il me paraît important de développer.

 

La question de Sébastien était basée sur une vidéo où l’on voit deux pratiquants de style traditionnel se battre dans un ring et malgré plusieurs longues minutes de combat, les deux protagonistes n’utilisent pas leur style de Kung Fu mais se battent comme n’importe quelle personne.

 

Il est vrai que nous avons tous une idée précise de ce que doit être un maitre de Kung Fu, et à l’image d’un Jackie Chan ou Jet Li, on s’attend à voir un combat utilisant des techniques fluides et efficaces.  Mais alors pourquoi de grands maitres ne ressemblent à rien quand ils sont sur le ring ?

 

Il est important de comprendre ce qui se passe en situation de combat avec contact et encore plus de self-défense.

 

Le stress va nous dominer pendant un combat avec contact ou une agression. Il va générer différentes réactions sur notre corps pour mieux répondre à la situation et permettre de mettre en place un protocole de réaction qui est : se battre – s’enfuir – se figer.

 

Avant d’aller plus loin, il serait intéressant ici de se poser cette question, dans quelle catégorie je me situe ?

 

Suis-je plutôt du genre bagarreur ou à monter vite au charbon dès que je me sens agressé, ou suis-je plutôt à vouloir partir dès que je sens la peur venir, ou encore est ce que je reste sans bouger à attendre en espérant que l’orage passe ?

 

Ce qui est bien avec cette question sur vous-même c’est qu’il n’y a nul besoin de monter sur un ring pour y répondre, la vie de tous les jours est assez stressante pour voir dans quelle catégorie vous vous situez.

 

Bien entendu, il se peut que votre nature soit modifiée en fonction de la position hiérarchique de votre interlocuteur, et il est fort à parier que si votre supérieur hiérarchique vient vous faire une réflexion, il se peut que vous n’ayez pas tout loisir de lui dire le fond de votre pensée.

 

 En Wing Chun, c’est l’exercice des mains collantes « Chi Sao », qui va nous permettre de voir comment on se positionne et comment se situe l’adversaire, vous ou  lui serez forcement attaquant, défendant ou dans l’attente de voir ce que l’autre fait.

 

Généralement il est plus intéressant d’avoir un partenaire qui a une nature différente de la vôtre car il va par ses actions amplifier votre nature et vous mettre soi en confiance, soi encore plus en stress.

 

Plus le stress augmentera plus vous verrez votre nature profonde.

 

 

Revenons à la théorie :

Parmi les réactions suscitées par le stress deux sont à retenir pour cette partie.

  1. La première est la baisse de l’activité du néocortex, une zone du cerveau qui gère la conscience, le langage, la sensation et la perception. Il est ainsi impossible d’avoir une réflexion claire et précise durant une agression.
  2. La deuxième est une contraction excessive de nos muscles qui empêche d’avoir une motricité fine.

 

Alors qu’est ce que cela veut dire concrètement et dans ma pratique comment je le vois 🙂 Moi j’appelle cela les trois règles invariables du combat :

 

Règle 1/ On manque toujours de temps !!

Oui ! Souvent en combat on manque de temps pour mettre en place une stratégie et on a encore moins de temps pour les techniques qui vont avec !

Je me souviens avoir travaillé avec mon ami Pol Charoy* en 1993, qui m’entrainait à l’époque pour les championnats du monde à Pékin, il avait fait venir un ami à lui hypnotiseur et ma première séance d’entrainement avait été de me mettre en état d’hypnose et de demander à mon inconscient de faire en sorte que mon esprit dégage du temps, une espèce de slow motion pendant que tu pratiques.

 

C’était vraiment très intéressant, car cela marchait vraiment bien, je me souviens de voir les choses au ralenti lors de la pratique, c’était bluffant.

 

Alors même si on ne veut pas aller jusqu’à être hypnotisé, l’entrainement est là pour permettre d’incruster les techniques de son art martial dans le corps, afin que ce soit l’instinct qui les fasse sortir au moment du combat, malgré tout il faut admettre que la technique ne sera pas la plus parfaite techniquement mais restera efficace ce qui est quand même le but.

 

Règle 2/ On manque toujours d’espace !

Là aussi pas de surprise, dès que tu veux faire une technique, l’adversaire est souvent trop près pour la réaliser.

 

 Là aussi on le voit bien, pourquoi croyez vous le Ju Jitsu brésilien est devenu aussi populaire quand les Gracies ont mis en place l’Ultimate Fight.

 

Bon nombre de pratiquant pieds/poings se retrouvaient piégés par cette règle que l’adversaire qui se sent en danger va se coller à toi.

 

Là aussi, en Wing Chun, l’entrainement doit être en relation avec cette idée, beaucoup de pratiquants voient dans le « Biu Jee » une forme de combat très proche qui va nous permettre d’être efficace à courte distance, mais le « Biu Jee » nous donne aussi un bon nombre d’idées pour la reprise de distance afin de se sortir de cette règle du manque d’espace.

 

Règle 3/ On a un manque d’efficacité !

Je pense que la plupart des combattants réalise très vite ce dernier point, le combat réel à l’inverse des films c’est, quand tu frappes fort l’adversaire il n’est pas KO, il revient et lui aussi frappe. Eh oui tout le monde n’est pas Mike Tyson.

 

D’ailleurs Mike Tyson est une bonne image pour parler d’efficacité, car pour ceux qui ont vu ses combats, on comprend qu’il ne lâche rien tout en lâchant ses coups. Il n’arrête pas ses actions au profit d’un coup par contre chaque coup est potentiellement celui qui va faire le plus mal. Regardez ses enchainements de coups de poings, ils vont souvent par trois ou quatre avec en plus des feintes de corps qui vont lui permettre de reprendre du temps, de la distance et générer un maximum de force lors des prochains coups.

 

En Wing Chun, on retrouve l’idée des coups de poings enchainés Li Wan Kuen et avec le travail de pivot que l’on fait dans le Cham Kiu, cela permet de pouvoir utiliser des esquives de corps aussi bien pour la défense que pour l’attaque. Rajoutez à cela le travail du Kei To le fameux coup de poing sans recul lors des frappes, nous avons tout pour réussir à gérer ces trois règles.

 

Bien sûr tout cela ne sera pas utilisé par le corps si l’ensemble ne devient pas une seconde nature de votre personne.

 

Savoir ne suffit pas, nous devons appliquer. Vouloir ne suffit pas, nous devons faire – Bruce Lee

 

Bon entrainement !

 

*Pol CHAROY, champion du monde de Kung Fu Wushu en 1983, se spécialise par la suite dans les styles internes. Le cheminement artistique d’Imanou RISSELARD passe par la danse, puis le théâtre, où elle développe les principes taoïstes du Taiji dans les mises en scène de ses spectacles. Tous les deux fondateurs du magazine Génération Tao et du Centre d’Arts & d’Écologie Corporelle, ils créent ensemble le Wutao® au cours de l’année 2000. https://www.centre-tao-paris.com/

author: Lionel Roulier

Comment
1
charly

Merci bcp Lionel pour cette réponse super complète !

Je me permettrais aussi d’ajouter ma modeste pierre à l’édifice : pour comprendre ce que l’on ressent, et les difficultés rencontrées, il existe un moyen simple : le sparring léger avec adversaire non conciliant dans une discipline non wing chun (boxes, karaté, kick) ou le job de l’autre est de nous attaquer et nous juste de défendre et de survivre avec protège dents, casque, plastron : bref l’armure totale 🙂

Les erreurs ne se payent pas cher grâce à l’armure mais si on est honnête avec soi, on voit quand l’autre touche, quand moi je ne parviens pas à placer à m’imposer, à donner le rythme du combat : bref, quand je ne fais pas vivre mon Wing Chun. On sent la panique sous le déluge de coups, la respiration qui ne fonctionne plus, les déplacements qui sont catastrophiques (oui, c’est du vécu 🙂 )

C’est une expérience amusante qui permet de bcp relativiser sa pratique et donne envie de retourner pratiquer les tao car en effet, sous le stress, ben mon corps ne sort pas les tao, pourtant c’est la base 😉

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