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Je connais le Kung Fu ! Prouve le.

21.09.2022

Savoir changer, c’est la possibilité d’évoluer ! 

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Introduction

En ce début d’année martiale, je vais évoquer avec vous un sujet crucial pour votre progression, c’est le sujet du changement. Changer n’est pas une chose facile et comme pour tous les aspects de la vie, cela se retrouve en accéléré dans les arts martiaux et le Wing Chun.

Je reprends souvent les mots de Bruce Lee qui expliquait le chemin du Wing Chun qui sont : « naturel /non-naturel ; non-naturel / naturel ».

 

Cela signifie qu’il va falloir avant toute chose, que vous lâchiez vos habitudes et que vous acceptiez de vous contraindre à faire quelque chose qui ne semble pas naturel comme le fait de mettre sans arrêt ses coudes au centre, avant que cette idée, cette attitude ne devienne si évidente pour votre corps que cela redeviendra naturel pour vous.

 

Oui mais vous l’aurez certainement constaté, changer une habitude est loin d’être si évident. Cela est dû en grande partie à votre cerveau !

 

Le cerveau renferme votre manière de fonctionner, vos réactions, tout autant que ce que vous parvenez à apprendre. Pour cela, des chemins sont littéralement construits entre les neurones : tel neurone va contacter physiquement tel autre neurone, et c’est un chemin qui se créé. Si le résultat n’est pas satisfaisant, ou si le chemin n’est jamais utilisé, ce nouveau chemin est abandonné et rapidement, les deux neurones se déconnectent entre eux. Si par contre la communication amène à des progrès ou des choses bénéfiques pour l’individu, celle-ci se consolide au fur et à mesure qu’elle est utilisée. Vous construisez alors vos autoroutes neuronales. C’est le fameux « use it or lose it ». Toute fonction non utilisée est amenée à péricliter.

 

Inversement, quand vous parvenez à construire des autoroutes neuronales, vous allez pouvoir utiliser ces chemins sans le moindre effort : sur une autoroute, pas d’obstacles, pas d’arrêt. Vous n’êtes pas là pour observer le paysage ni découvrir de nouvelles choses, vous êtes là pour aller du point A au point B le plus vite possible.

 

Donc vous l’aurez compris, le cerveau est un organe doué d’une plasticité remarquable. Il peut se remodeler sans cesse, et s’adapter à de nouvelles situations et c’est comme cela que l’on apprend de nouvelles compétences.

 

Pour certaines choses, c’est relativement facile. En Wing Chun par exemple, on vous demande d’utiliser vos deux mains de la même manière. Tout ce que fait l’une doit pouvoir être fait par l’autre. Et généralement, après quelques cours, cela devient facile alors que dans la vie de tous les jours, on a une main qui s’occupe de tenir la fourchette quand l’autre est préposée au couteau (sans compter ceux qui utilisent la même main pour tout faire !).

 

Pour résumer un peu facilement, on pourrait dire qu’apprendre des choses qu’on ne faisait pas avant est relativement facile. Il n’y a pas de chemin existant, on va en créer un exprès. Cela peut prendre du temps, on ne va pas forcément réussir à reproduire le mouvement parfait, mais on va le faire sans trop se poser de question.

 

Là où les choses se compliquent un peu, c’est quand il s’agit de changer notre manière de faire ! Rappelez-vous vos premiers pas en Wing Chun (je parle littéralement des pas !) : quelle calamité d’avancer la jambe opposée au poing pour presque tous les mouvements, puis de devoir faire l’inverse pour le pak sao, de le faire en marche avant autant qu’en marche arrière ! Rappelez-vous de cet exercice infernal à l’échauffement consistant à faire tourner un bras dans un sens et un bras dans l’autre alors que depuis toujours on fait tourner les 2 bras dans le même sens !

 

Et bien vous pouvez remercier vos autoroutes neuronales ! Pour chacun de ces mouvements spécifiques, il a fallu prendre un chemin de traverse et faire comprendre à votre corps que c’était tout à fait possible de faire autrement. Généralement ça n’est pas si compliqué, car vous voyez tout le monde autour y arriver, et puis après tout il s’agit juste de marcher alors pas question de ne pas y arriver ! Dans ce cas-là, votre autoroute fonctionne toujours, on y ajoute juste une route parallèle.

 

Maintenant nous arrivons au sujet qui nous intéresse vraiment, c’est comment mettre en place un réel changement, c’est-à-dire comment faire pour ne plus faire comme avant. Fermer votre autoroute, partir sur d’autres chemins et reconstruire totalement l’itinéraire.

 

Alors la première question pourrait être : mais pour quoi faire ? La réponse est simple : pour atteindre un certain objectif d’amélioration. Ceci est aussi vrai dans la vie quotidienne que dans l’apprentissage d’un art martial.

 

On peut se fourvoyer totalement en utilisant systématiquement nos autoroutes neuronales, sans même voir que prendre un autre chemin nous rendrait largement service. C’est la problématique de vouloir rester dans son confort, sans même vouloir admettre qu’en fait, on n’est pas si à l’aise que cela.

 

Imaginez un élève qui lors des Chi Sao cogne, cogne, cogne. Vous lui laissez l’opportunité, il cogne. Vous ne lui laissez pas l’opportunité, il se tend et cogne. Vous l’empêchez, il va mettre toute la force qu’il peut… pour cogner.

 

Son seul but est de vous toucher. Pourtant vous avez tous entendu tous les professeurs de Wing Chun du monde dire la même chose : le Wing Chun n’est pas une question de force, n’utilisez pas la force brute, sinon vous passez à côté de l’essentiel. Et pourtant, vous avez beau lui dire « attention au partenaire », « ne mettez pas de force » « allez doucement », sitôt la consigne énoncée, il est déjà en train de repartir dans sa façon de faire.

 

Alors pourquoi ces personnes persistent ? C’est simple, elles utilisent une autoroute neuronale qui leur dit « si tu tapes fort, tu gagnes ». Le drame, c’est que bien souvent les faits vont leur donner raison. Au début, la force brute compense assez facilement le manque de technique. Donc elles entrent dans une spirale de récompense et de satisfaction qui ne fait que renforcer leur autoroute. A chaque fois qu’elles utilisent la force, elles ont le sentiment de gagner l’échange. Donc pourquoi changer puisque dans leur système de pensée, elles gagnent ?

 

Car là est la clé du changement : être persuadé que si on arrive à modifier notre façon de faire, nous serons meilleur ou plus heureux. Sans cela, aucune raison de changer.

 

Si dans la vie on se sent parfois bien seul face à la nécessité de changer, dans les arts martiaux, vous avez généralement la chance d’avoir un guide qui a déjà arpenté le chemin avant vous. Votre professeur va ainsi vous orienter sur le chemin, vous ouvrir des voies, vous montrer pourquoi tel ou
tel chemin est bénéfique pour vous. Si vous êtes discipliné, généralement vous n’aurez pas trop de mal à admettre le changement : le professeur conseille ceci ou cela, alors j’y vais, j’essaie. Après tout c’est super sécurisant d’avoir un guide, autant lui faire confiance. Si vous faites partie de cette catégorie de personnes, je ne peux que vous encourager à continuer bien entendu. Là où les choses se compliquent généralement, c’est pour les personnes qui ont des idées préconçues, du genre « j’ai vu des milliers de vidéos et de films de kung fu, c’est comme ça qu’il faut faire » et vous voyez des élèves imiter les mouvements imaginaires d’un Bruce Lee ou d’un Jackie Chan.

 

Cet exemple vous fait certainement sourire car il est caricatural, mais observez bien, vous verrez parfois ce genre de chose.

 

 

Dans la même veine, les idées fausses sont une énorme barrière au changement. Repensez à l’élève de tout à l’heure: celui qui pense que gagner l’échange c’est d’avoir réussi à cogner l’autre et qui donc base sa progression sur le fait de taper de plus en plus fort, sans trop se soucier de la technique. Faire changer ce type d’élève va être très long et très compliqué. Ils sont réfractaires au changement puisque par définition, selon leurs critères, leur manière de faire est efficace.

 

Seule façon de les amener au changement : leur montrer les limites de leur modèle. Alors je prends cet exemple car il est facile à comprendre, mais soyez bien conscients que nous avons tous besoin de changer à un moment ou un autre. Dans les écoles chinoises il n’y a encore pas si longtemps, à votre arrivée dans l’école si vous ne respectiez pas les codes de l’école, on vous faisait passer un sale quart d’heure (comprenez que vous vous faisiez maltraiter dans un échange martial) pour vous montrer que votre façon de faire ne fonctionnait pas. C’était vite vu et vous aviez plutôt intérêt à changer rapidement. Chez d’autres, c’est la manière militaire : il faut faire comme ça, point barre. Tant que vous ne faites pas « comme il faut », on ne vous lâche pas. Il faut aussi dire que pour le pire si vous continuez de ne pas changer avec ces solutions imposés dans vos orientation, vous prenez la porte.

 

Dans nos écoles, cela va prendre beaucoup plus de temps, car le changement est suggéré mais n’est pas imposé. Pendant les premiers mois/premières années, l’élève va continuer sur son autoroute, certain d’avoir pris le bon chemin à chaque coup porté. Et puis un beau jour, ça ne fonctionne plus face à l’un de ses camarades arrivé plus ou moins en même temps. Car bien évidemment quand c’est le maître qui montre, il ne comprend pas forcément : le maître est plus fort par définition, alors c’est bien normal qu’il gagne ! Son idée fausse ne fait alors que se renforcer.

 

Mais quand il s’agit d’un camarade qui tout à coup parvient à éviter les coups, le doute s’installe et l’hypothèse qu’un changement serait nécessaire commence à trouver sa place. Partant de là, il y a un risque que l’élève s’en aille, pensant que le système n’est pas fait pour lui, ce qui en soit est encore une idée fausse. Car changer, c’est un processus long et pas forcément facile.

 

Même si vous avez pris la décision de changer, cela ne veut pas dire que vous allez réussir du premier coup, ni même réussir tout court ! Changer, c’est bien souvent commencer par échouer. Les chemins alternatifs ne sont pas en place, on commence et ça ne fonctionne pas. Vous êtes en plein dans le « naturel / non naturel ». Vous devez vous forcer à faire d’une certaine façon et attendre que cela s’intègre dans votre cerveau au sens propre du terme !

 

En un mot comme en cent, dans l’intervalle du changement, vous allez perdre ! Perdre en pseudo- sécurité, perdre en satisfaction, perdre en efficacité apparente. Pourquoi ces « pseudo » et « apparente », tout simplement car si vous admettez que le changement est nécessaire, c’est bien que la situation actuelle n’est pas si idéale que cela. Elle offre juste un confort apparent car vous savez comment les choses fonctionnent. Alors perdre n’est pas forcément agréable, mais si on continue à faire confiance au professeur, on sait aussi que tout cela n’est que temporaire, le temps de construire un nouveau chemin.

 

Il faut aussi savoir que nous ne sommes pas égaux dans notre capacité à construire de nouveaux chemins. Chez certains, aussitôt dit, aussitôt fait. Vous leur dites de faire plutôt comme ceci ou comme cela, et hop, ils y arrivent. Pour d’autres, ça bloque. Vous voyez qu’ils essaient, mais c’est
laborieux. Pour d’autres enfin, ce que vous leur dites rebondit tout simplement sur eux. Je vous renvoie alors à l’un de mes précédents articles : à 20 ans on a le corps dont on hérite, à 40 celui que l’on mérite. Et oui, le cerveau est comme un muscle. Plus vous l’entrainez, plus il est efficace. Plus vous avez « l’esprit ouvert », plus vous pourrez intégrer de nouvelles choses, plus vous vous enfermez dans vos certitudes, plus vous renforcerez les autoroutes déjà en place.

 

Alors maintenant, comment changer ? Là c’est difficile de répondre. Je dirais juste « faites un pas ». Enclenchez quelque chose, et le reste va suivre. Pour vous aider, regardez autour de vous. Parfois il est dur de changer de vie (travail, séparation, déménagement, etc…) mais quand on observe autour de nous, on peut trouver un tas d’exemples : bien souvent ceux qui ont pris la décision de changer sont bien plus heureux après qu’avant (je ne parle pas de ceux qui subissent les changements, comme lors d’un licenciement par exemple). Et bien dans la salle d’arts martiaux c’est pareil !  Regardez vos camarades, observez les niveaux. Est-ce que ceux qui s’enferment dans leur schéma de pensée progressent aussi vite que les autres ? Est-ce que ceux qui ont atteint un niveau avancé ont une pratique qui parait cohérente ? Si oui, vous savez que suivre votre professeur vous emmènera jusque là. Il ne vous reste plus qu’à vous écouter : comment vous vous sentez dans votre pratique ? Êtes vous parfaitement à l’aise, ou bien y a-t-il des choses qui ne vous plaisent pas ? Au fond de nous, on sait toujours ce qu’il en est, il reste juste à l’admettre et enclencher le mouvement.

 

Par contre, sachez que nos autoroutes sont toujours là et qu’elles restent le chemin de moindre résistance. Alors même si à partir d’un certain niveau on arrive à choisir le chemin, ou même les chemins que l’on peut utiliser dans telle ou telle situation, dès que nous serons mis en défaut, fatigué, stressé, nos vieux démons vont resurgir et proposer leur aide ! Normalement si nous avons été acteur de notre changement, nous allons nous en apercevoir très vite et pouvoir reprendre la main. La force du mental est redoutable et notre cerveau est notre meilleur ami tout autant que notre pire ennemi.

 

Souvent on commence les arts martiaux pour devenir quelqu’un de meilleur : meilleur au combat, meilleur dans la capacité à se défendre, meilleur dans l’approche de la vie, meilleur dans notre capacité à nous maîtriser… chacun a sa ou ses raisons. Le point commun à tout cela, c’est de quitter celui que l’on est pour devenir celui que nous serons. C’est ne plus utiliser systématiquement nos autoroutes mais explorer autour, découvrir les villes les villages, les paysages, les chemins escarpés ou même impraticables, et trouver notre chemin.

 

C’est accepter le voyage que notre professeur nous invite à faire, et lui faire confiance pour nous aider à traverser les embuches. N’ayez pas peur du changement, dans une salle d’arts martiaux vous ne risquez rien car vous êtes accompagnés. Et vous verrez que ce que vous parvenez à faire dans la salle d’arts martiaux, un jour vous le ramenez chez vous. Si je peux être souple et patient à l’entrainement, pas de raison de m’énerver sans arrêt au travail ; si je suis capable d’admettre que ma pratique n’est pas idéale et que je dois faire un effort pour changer, pas de raison de laisser ma vie perso partir en vrille sans réagir. Car au bout du chemin, au bout des changements, il y a tout simplement de nouvelles expériences, de nouvelles idées, la facilité et la liberté !

 

 

Bon entrainement et bonne rentrée !

Lionel Roulier

author: Lionel Roulier

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