Questions des élèves – Quels sont les buts de la répétition régulière des formes pour le pratiquant ?
– L’élève
Comme beaucoup d’arts martiaux, le Wing Chun utilise des formes (ou Taos) dans son système d’apprentissage.
Quels sont les buts de la répétition régulière des Taos pour le pratiquant, et quelle intention doit-il avoir lorsqu’il les travaille ?
– Le professeur
Le but principal est d’ancrer l’ensemble des mouvements dans la mémoire musculaire du corps.
La pratique régulière des formes va permettre d’établir les liens entre le corps et l’esprit, un peu comme la construction d’un grand réseau de routes internes qui vont permettre une bonne transmission de l’information.
Cela va permettre aussi au corps de construire les renforts musculaires nécessaires à la pratique, là où il doit y en avoir, et assouplir les zones où il y a des tensions ou des blocages.
Le wing chun est un système vraiment évolutif, chaque forme apporte un bénéfice particulier.
Le Siu Lim Tao va surtout apporter au pratiquant la consolidation et le gainage du tronc.
Un tronc faible ne permettra pas aux membres éloignés (jambes et bras) d’avoir l’intégralité de leur potentiel en puissance et en flexibilité.
Le Cham Kiu va permettre de travailler le système locomoteur de la taille, des hanches et des jambes, tout en maintenant le tronc dans la meilleure position possible, permettant ainsi de pouvoir mieux se déplacer lors du combat.
Le Biu Jee quant à lui va apporter une meilleur flexibilité de l’ensemble de la colonne vertébrale afin d’être plus puissant aussi bien lors des frappes que dans les esquives.
Ce qu’il faut se dire en tant que pratiquant c’est que ces formes sont un socle de préparation physique pour notre Wing Chun.
Il faut donc les voir comme un atout majeur de votre évolution et dépasser l’idée qu’elles sont là seulement pour être jolies à regarder ou pour servir de dictionnaire pour trouver des techniques.
Il faut qu’elles soient utiles pour vous, il faut donc pouvoir les travailler avec des idées de préparation physique différentes.
Je vous donne un secret de pratique transmis par mon maitre Fok Chiu ! Il me disait qu’il faut faire chaque forme au moins trois fois par jour :
La première fois, fais la forme avec une attitude Yang, c’est-à-dire un peu en force, énergique et rapidement !
La deuxième fois, fais la forme avec une attitude Yin, c’est-à-dire tout en souplesse, relâché et lentement !
La troisième fois, fais-la sans la faire : soit neutre et laisse ton corps faire sa forme !
– L’élève
Après ces trois formes à mains nues (Siu Lim Tao, Cham Kiu & Biu Jee), le pratiquant apprend la forme du mannequin de bois (Mook Jong).
Le mannequin est vraiment emblématique du style Wing Chun, comme on peut le voir dans les films où le style est représenté.
Comment fonctionne l’entraînement sur cet homme de bois ?
Doit-il être adapté à la taille du pratiquant ?
Faut-il nécessairement avoir maîtrisé les trois premières formes pour commencer à travailler avec ?
– Le professeur
Le mannequin fonctionne comme un miroir, vous êtes face à vous-mêmes.
Il a pour but de vous faire travailler les concepts du style tels que la ligne centrale et le travail de face, d’améliorer votre coordination entre le haut et le bas du corps, de vous faire prendre conscience des distances de combat.
Il a aussi pour but de vous faire découvrir de nouveaux scénarios de combat, de nouvelles combinaisons de techniques et de vous faire développer votre puissance de frappe.
Pour être votre reflet et vous permettre de faire évoluer l’ensemble de votre potentiel, il doit s’adapter à votre taille !
Un mannequin avec des bras trop hauts va vous faire monter vos coudes et ainsi vous couper de votre puissance corporelle, et des bras trop bas risquent de vous faire prendre une posture du dos où les épaules vont tomber vers l’avant et compromettre votre stabilité en combat.
Il n’est pas nécessaire d’avoir travaillé les trois formes avant de commencer.
Le mannequin est un support de travail on peut donc pratiquer les idées que l’on vous enseignes a chaque étapes de votre formation.
Par contre, il faut essayer de s’abstenir d’aller trop vite et de faire des choses qui n’ont pas encore été expliquées et un peu pratiquées dans sa formation.
Apprendre la forme du mannequin avant même d’avoir fait le Cham Kiu (où l’on apprend les principales postures) ou bien essayer de frapper fort dessus avant d’avoir vu le Biu Jee (où l’on donne les clés de l’énergie spiralée) va vous faire prendre de mauvaises habitudes de corps.
Un professeur aura beaucoup de mal à corriger les habitudes corporelles que vous avez prises avec une mauvaise façon de pratiquer.
Mon maitre Fok Chiu appelle cela « Bat Tchi » : la page blanche.
L’élève est comme une page d’écriture où le professeur va écrire.
Si cette page est déjà remplie, alors ratures et manque de place ne ferons pas un beau résultat.
– L’élève
Après le mannequin viennent les formes des armes : le bâton long (Luk Dim Boon Gwan) et les couteaux papillons (Baat Cham To).
Comment ces armes ont-elles été introduites dans le système Wing Chun ?
Quels sont les apports de ces formes pour le pratiquant, notamment sur la pratique à mains nues ?
– Le professeur
En fait on devrait mettre les couteaux avant le bâton car ils étaient là pratiquement dès le départ du système.
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Pour information, le nom cantonnais des couteaux papillons est « Wu Dip To ». Le terme « Baat Cham To » traduit signifie « les couteaux numéro 8 », le caractère chinois du chiffre huit ressemblant à la forme des lames.
Le terme « couteaux papillons » étant plus joli, il a remplacé depuis quelques années la vraie traduction et maintenant tout le monde utilise le terme Baat Cham To avec la traduction du terme Wu Dip To.
Les couteaux proviennent simplement de ce que l’on pouvait trouver dans les cuisines de l’époque, un couteau avec une lame tranchante permettant de couper la viande, large et lourde permettant de broyer les os des morceaux de viande, et avec deux piques permettant de se planter dans les morceaux pour les envoyer dans la casserole.
C’est, pour le pratiquant de Wing chun, l’arme qui va lui apprendre l’ensemble de la manipulation des armes courtes, telles qu’une canne, un sabre ou une dague.
Le bâton est venu après, avec la rencontre de Wong Wah Bo et de Leung Yee Taï. Ils se sont rencontrés sur l’une des jonques rouges, les bateaux d’artistes sillonnant le pays.
Beaucoup de maîtres d’arts martiaux se cachaient de l’envahisseur mandchou car ils étaient devenus hors-la-loi.
Le bâton de 2m74 est en fait la perche qui servait à pousser la jonque au fil de l’eau. Leung Yee Taï avait appris l’art du bâton Shaolin.
Avec Wong Wah Bo, ils l’ont inclus dans le système Wing chun.
Les couteaux Papillons « Wu Dip To » vont permettre au pratiquant de Wing Chun d’avoir une nouvelle vision sur son système, de lui donner plus d’ouverture et de lui apprendre à se battre contre des personnes armées ainsi que le combat au corps à corps (incluant certains types de projections).
Le bâton, quant à lui, va enseigner au pratiquant le combat à longue distance et le concept opposé au combat de face du Siu Lim Tao.
Ces deux éléments sont aussi de très bons exercices pour la préparation physique et l’endurcissement des poignets, afin d’acquérir une frappe encore plus puissante.
– L’élève
Chaque forme apporte donc un ensemble de concepts que le pratiquant doit maîtriser pour passer aux formes suivantes, afin de construire son Art sur des bases solides.
Lorsque les enseignements de toutes les formes ont été appris et compris, peut-on dire que le pratiquant est devenu confirmé ?
A quel moment pratique-t’il son Art, et plus celui de son maître ?
Quels sont, à partir de là, les moyens pour lui d’approfondir son Art ?
– Le professeur
Si les formes sont comprises, on peut dire qu’il est sur le bon chemin ! Dans le système, nous avons le terme » Wing Chun Lin Fat » qui signifie : les solutions ou voies d’apprentissage du Wing chun.
Ce qu’il faut imaginer c’est que le système se divise en trois phases d’apprentissage :
La première phase est celle de l’apprentissage pragmatique : on apprend les mouvements, leurs applications et leur mise en œuvre.
Imaginez que l’on vous donne le costume du pratiquant de Wing Chun.
Un peu comme un vêtement de prêt-à-porter, il ne vous va pas trop mal, mais ce vêtement n’étant pas fait sur mesure, il y a des endroits où il va être trop serré ou trop lâche : certaines techniques ne vous vont pas, d’autres sont moyennes et d’autres sont parfaites pour vous !
A la fin de cette première phase on peut dire que le pratiquant est confirmé : il saura trouver les ressources dans le système afin de s’adapter au combat.
Si le pratiquant s’arrête à ce niveau, s’il reste sur les techniques qu’il n’arrive pas à maitriser, il risque souvent d’aller chercher ailleurs (dans d’autres arts martiaux) des techniques pour combler les vides.
Ou bien il peut reprendre du début avec la deuxième phase, qui est celle de l’apprentissage physiologique.
Le pratiquant va apprendre à faire des variations dans les mouvements. En arrondir certains, rendre plus anguleux d’autres, tout cela avec la compréhension de sa gestuelle corporelle.
C’est comme si l’on reprisait notre costume Wing Chun pour en faire un vêtement sur-mesure !
Les techniques qui ne marchaient pas au départ ont été retravaillées avec une autre gestuelle afin qu’elles fonctionnent.
A la fin de cette phase, le pratiquant est tel un chercheur qui connaît parfaitement son sujet, il a appris à l’adapter à lui-même.
On peut imaginer ici que comme il a retravaillé son art à sa propre morphologie, ce Wing Chun qu’il a construit est le sien.
Il est donc détaché de son maitre.
Si il veut pouvoir vraiment maîtriser le système, il doit alors entrer dans la troisième phase qui est celle de l’apprentissage stratégique.
Après s’être adapté lui-même au Wing Chun, puis avoir façonné son propre Wing Chun, il va mettre en place des éléments stratégiques afin d’influencer son adversaire à entrer dans son univers.
Pour reprendre l’image du costume, ici le pratiquant a conçu lui-même le design de son propre habit.
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Je tiens à dire merci à Brice qui m’aide beaucoup pour l’écriture des articles 😉