Blog
  • Main page

Décryptage de la tradition Wing Chun épisode 3

17.09.2019

Lionel Roulier

Le Wing Chun est un système de développement du pratiquant, il suit un chemin précis de formation tout au long de sa pratique.

 

Le Wing Chun est un art, mais sa formation débute avec logique et méthode scientifique.

 

La philosophie du Wing Chun repose sur la cohérence des applications, des méthodologies et de l’utilisation pragmatique de la physiologie de l’humain.

 

Cette logique est cruciale au maintien de son intégrité, afin que le Système Wing Chun puisse perdurer dans le temps, mais aussi pour permettre au pratiquant d’y acquérir en premier l’art du combat.

 

Puis cette phase maitrisée, le système lui fera découvrir ce qu’il n’avait pas envisagé et lui donnera l’accès à l’art du Wing Chun.

 

Comme vous avez déjà pu le découvrir dans les deux décryptages précédents, la plupart des phrases avaient pour but de donner au pratiquant des indications sur les attitudes ou les manières de réagir face aux différentes attitudes que peut prendre l’adversaire, et donner les concepts de base.

 

Nous rentrons avec cette partie de la chanson, dans une nouvelle étape de réflexion, car y sont abordées des phases d’initiation.

 

Ces phases d’initiation sont à la fois des séquences de pratique technique avec un ensemble d’exercices de travail, mais aussi le début d’une réflexion plus générale permettant de faire évoluer l’esprit du combattant pour le rendre plus stratégique.

 

La clé est de se coller au pont de l’ennemi!

 

Il existe dans l’enseignement du Taoisme, une phase d’initiation qui se dit en cantonnais « Saam Moo Kiu » qui signifie littéralement « les trois terrains de liaison ».

 

Le Wing Chun a repris cette doctrine et l’a adaptée au combat ce qui pourrait changer la traduction littérale par «les trois ponts de liaison ».

 

Cette séquence est une clé pour aborder la notion de temps et d’espace que l’on a dans un combat.

 

L’étude de la méthode « Saam Moo Kiu » permet de voir la philosophie à aborder pour cette gestion du temps et de l’espace.

 

Il existe donc trois ponts dans la méthode :

  • Pont flottant
  • Pont séparé
  • Pont éternel

 

Je n’expliquerai pas ici la méthode, non pas qu’elle soit secrète mais surtout parce que cela nécessite plus que quelques lignes et cet article deviendrait énorme.

 

Mais je ne vais pas vous laisser en plan et vous donner juste une base de réflexion.

 

Nous avons dans le Wing Chun une maxime qui dit : qui contrôle le coude contrôle le corps.

 

Nous savons que l’avant-bras de l’adversaire est le pont qui nous permet d’entrer en contact avec lui.

 

Il est donc aisé de se dire que l’une des clés de contrôle de l’adversaire est de se coller à son avant-bras  donc son pont.

 

Si on pousse le raisonnement, plus on va remonter vers le coude, meilleur sera le contrôle que l’on a sur l’adversaire.

 

Un autre avantage de coller au pont de l’adversaire, c’est tout simplement de garder un contact qui permet de mieux lire/sentir ses actions et d’y répondre plus rapidement.

 

Une conscience exaltée va contrôler son avancée, la grande compétence est d’emprunter la force et de frapper puissamment.

 

La première partie de la phrase vient mettre l’accent sur l’attention que doit porter le pratiquant de Wing Chun à construire un chemin pour accéder à la victoire.

 

On dit souvent que dans un combat c’est celui qui a la tête froide qui a l’avantage et on pourrait s’arrêter à cette explication mais, en Wing Chun il y a une autre phase initiatique, que l’on appelle « Ngo Djun Chiu Ming Djoi Yng », littéralement « les 5 étapes du combat ».

 

L’une des pratiques de cette phase est de réaliser les techniques de combat en faisant varier ses intentions, en apprenant à les contrôler pour mieux les comprendre, et apprendre tel un joueur d’échec à avancer ses pions sur l’échiquier pour mieux faire perdre son adversaire.

 

La deuxième partie de la phrase fait un parallèle avec ce qui est très connu dans les arts martiaux : l’art de retourner la force de l’adversaire contre lui, mais à la différence qu’en Wing Chun, il est très clair qu’emprunter la force de l’adversaire c’est bien, mais il faut lui rendre avec des intérêts d’où l’idée de frapper puissamment.

 

Il est dit la grande compétence, car il faut admettre que cela n’est pas facile de seulement emprunter sans prendre.

 

Là aussi, dans le Wing Chun cela fait référence à une phase initiatique que l’on nomme « Jee Um Seen » qui pourrait se traduire par la ligne centrale décalée, plus connue dans notre lignée sous la méthode du chemin de l’épaule.

 

L’emmener vers le vide et frapper le premier a ses raisons, c’est dans l’échange que se cache le mystère!

 

Je me souviendrai toujours de cette phase de mon apprentissage où maitre Chow et maitre Mak essayaient de m’expliquer ce qu’est le vide.

 

Ils montaient le pouce et faisaient un petit signe du style « regarde derrière nous » ou pointaient l’index et disaient « regarde derrière toi ».

 

J’ai mis du temps avant de comprendre que tout simplement le vide est l’espace où il n’y a rien. Pour moi, il y a avait un environnement tout autour donc pas de vide.

 

Avec le temps j’ai compris qu’il y avait une zone tout autour de moi et de chaque personne qui n’est pas remplie de cet environnement et qui est donc disponible pour qu’un adversaire soit emmené vers ce vide, ou pour que l’on puisse soit même utiliser ce vide pour s’échapper.

 

Ce qu’il faut aussi comprendre c’est que ce vide une fois utilisé,est remplacé par du plein et que cela créée un nouveau vide. Utiliser une frappe dans ce laps de temps est alors un bon moyen de mettre l’adversaire en défaut.

 

Vous aurez compris que l’on parle ici du Yin et du Yang, et de cette idée qu’ils alternent en permanence.

 

A l’époque, malgré que j’aie compris ce qu’était le vide et le devoir de cette alternance, je n’arrivais pas à mettre en pratique, parce que malheureusement dans un combat, entrevoir quel moment est « Yin » et quel moment est « Yang » est compliqué, de même qu’il n’est pas évident de le ressentir au moment opportun et encore moins de l’utiliser.

 

C’est dans la recherche de l’utilisation du Yin et Yang, que la phrase nous fait part du seul moyen de découvrir le mystère, la sensitivité.

 

Ne pas s’arrêter au premier coup, maintenir la pression sur l’adversaire est essentiel.

 

Le meilleur mouvement de Wing Chun qui illustre cette phrase est notre fameux « Li Wan Kuen » les coups de poing enchainés.

 

Mais si l’on regarde de plus près, l’ensemble du système est basé sur cette idée d’enchainement. La première partie du « Siu Lim Tau », la première partie du « Cham Kiu », et la première partie du « Biu Jee », nous montrent une répétition de trois fois les mêmes mouvements, ce qui cherche à nous faire comprendre que l’on peut attendre peut-être une fois, voire deux avant de contre attaquer, mais à trois cela devient une obligation.

 

Le système Wing Chun explique aussi que la meilleure défense c’est l’attaque, c’est pour cette raison que dès le départ de notre formation nous travaillons le concept « Lin SiuDai Da » littéralement « attaque défense simultanée ».

 

Cette phrase est un rappel à l’ensemble de plusieurs phases initiatiques.

 

Passer au dessus du pont qui se présente, neutraliser un coude par un coude.

 

Passer au dessus du pont qui se présente, symbolise la représentation de prendre de la hauteur dans l’action afin de mieux voir et comprendre ce que fait l’adversaire.

 

Une traduction possible est aussi : passer en haut du pont qui se présente.

 

Cela signifierait qu’il faut aller chercher l’endroit du pont qui offre la meilleure vue.

 

Les ponts traditionnels chinois sont arrondis et la hauteur la plus haute est au centre.

 

Cette représentation permet de chercher l’endroit clé sur le pont permettant le meilleur endroit pour neutraliser l’adversaire.

 

 

Neutraliser un coude par un coude, donne l’indication de distance, car même si l’on est au centre du pont, il peut être mieux d’aller chercher l’adversaire au bout du pont ou même de l’attendre de l’autre coté.

 

Ici cette notion est indiquée par : une coudée pour une coudée.

 

 

Voici une règle de mesure de la dynastie HAN, on y voit bien cette notion de coudée. L’unité de mesure est appelé Chi. C’est à la fois utilisé pour mesurer une distance, et une unité de mesure d’angle utilisée en astronomie chinoise.

 

Le chi peut être parfois traduit par pied, c’est de cette traduction que les méthodes de déplacement dans le système Wing Chun sont vues dans une phase que l’on nomme « Saam Ngo Gerk », les trois étapes de pieds.

 

A bientôt pour la suite…

author: Lionel Roulier

Comment
0

Leave a reply

Chargement...