série comment se défendre : état des lieux, la violence du quotidien

Introduction

L’actualité des dernières semaines est bien sombre. En ce mois de novembre 2023, tout est sujet à nous assommer un peu plus : le climat trop sec puis trop humide, une guerre et puis une autre, des attentats en série. Le monde est rempli de violences et dans un tel contexte, on pourrait se demander comment se préparer.

 

Certains vont vous dire qu’il faut apprendre à se battre, d’autres qu’il faut se former à la « self défense ». Toujours deux camps qui s’affrontent, les offensifs, les défensifs. Comme d’habitude, je ne vais pas prendre parti, enfin si, je vais prendre parti pour nos arts martiaux.

Toute cette réflexion m’est venue suite à l’agression du professeur le mois dernier, et à son décès, violent, inattendu et surtout rempli d’incompréhensions. Je ne vais pas revenir sur les raisons de l’agression, je voudrais juste évoquer le contexte purement martial de tout ceci.

 

Pour ce qui concerne l’environnement, la scène : un lycée, des dizaines de professeurs, des dizaines d’employés de l’éducation, des centaines d’élèves et face à eux, un agresseur muni d’un couteau. Un seul agresseur, avec une arme courte. Et pourtant, un mort, des blessés. Comment tout cela est possible ? Comment un seul agresseur face à tout ce potentiel défensif, a réussi à faire tant de dégâts ? Et bien la réponse est simple : sidération, manque de pragmatisme, manque de formation.

 

Bien sûr il est facile d’analyser tout cela à froid, tranquillement derrière son écran, quand la réalité vous prend par surprise, sans raison, sans anticipation possible. Mais c’est justement là où je veux en venir.

 

Pourquoi fait-on des arts martiaux ? Beaucoup vont répondre « pour apprendre à se battre ». A ceux là je répondrais que c’est vrai mais qu’ils feraient mieux d’aller apprendre la boxe ou le MMA, ils seront efficaces et épanouis bien plus rapidement. D’autres vont vous dire « pour se défendre ». A ceux-là je dirais qu’il y a des enseignements bien plus ciblés tels que les cours de self défense ou des systèmes comme le Krav Maga. D’autres pourraient même avancer l’illusoire « pour devenir sage et avoir du self contrôle ». Les plus anciens vont probablement répondre « pour le système, pour la philosophie, pour apprendre à se connaitre ». La réponse est déjà plus proche de ce qu’est l’apprentissage d’un art martial.

 

Alors pourquoi les arts martiaux ?  Si on me posait la question aujourd’hui, je ne sais pas trop ce que je répondrais, mais il y aurait cette idée que l’art martial est un tout. Et surtout un art d’adaptation. Il nous aide sur tous les plans : physique, émotionnel, situations de défense, situations d’agression, stress… Cet art que nous travaillons toutes ces années nous accompagne partout, dans chaque évènement de notre vie et il influence notre manière de vivre cet évènement.

 

Où je veux en venir avec tout cela ? Et bien je veux en venir au fait que si chacun d’entre nous était initié à un art martial, si chacun avait l’opportunité de développer certains réflexes, peut être que le bilan de ce type d’agression serait moins lourd.

 

Que nous enseignent les arts martiaux ? La capacité d’attaquer, de donner des coups de poings efficaces, des coups de pied redoutables ? Oui, mais encore une fois d’autres disciplines sont nettement plus rapides pour atteindre ce type de réussite. La capacité de se défendre ? Oui, sans aucun doute. Mais que veut dire se défendre ? Beaucoup pensent que se défendre, c’est connaître deux ou trois techniques imparables, pique aux yeux ou aux parties, sortir son gaz lacrymo ou un stylo tactique. C’est vrai, mais avant toute chose, se défendre c’est éviter les situations risquées ou les aborder de telle manière que les conséquences seront maitrisées.

 

Qu’est ce que cela veut dire concrètement par rapport à l’apprentissage d’un art martial ? Car il est tout aussi vrai qu’avant de devenir performant dans un art martial, il va falloir des années et des années d’apprentissage, je le répète suffisamment souvent. C’est tout à fait vrai, sauf que :

 

Et bien dans l’art martial, l’une des premières choses que vous allez apprendre à faire, et ce sans même vous en rendre compte, c’est de vous tenir différemment, c’est de vous placer différemment, c’est de reprendre contact avec votre corps. C’est bien souvent également une « posture de garde », posture qui vous met dans une configuration moins défavorable que la moyenne. Ceci vous l’aborderez dans les premiers cours, quel que soit l’art.

 

Et puis il y a les arts martiaux comme le wing chun, étiqueté « art de self défense » ou de « contre-attaque ». Et oui, certains arts martiaux ont été créés dans des contextes particuliers, pour des gabarits particuliers. Et le wing chun est à la portée de tous en terme d’apprentissage des bases.

 

Très vite avec le wing chun, vous allez apprendre à vous mettre face à quelqu’un, pour des exercices contrôlés tels le Chi Sao. Et très vite, vous aurez compris que des coups, on en prend, que l’on soit techniquement bon ou pas. On comprend très vite qu’il y a une distance de sécurité à respecter, celle qui oblige votre adversaire à faire un grand mouvement avant de vous atteindre. Et que si l’adversaire vient sur vous, soit vous vous échappez très vite, soit il faut y aller, foncer dessus vaille que vaille.

 

Dans une salle d’arts martiaux, lorsque votre partenaire prend un couteau en plastique, très naturellement vous allez vous placer à distance pour voir ce qu’il fait avec son arme. C’est normal, c’est ce qu’il faut faire et l’environnement « martial » vous pousse à agir comme cela. Et il est tout aussi clair que si dans la rue vous êtes confrontés à une situation similaire, votre corps va se rappeler de l’entrainement et vous inciter à rester à distance raisonnable.

 

Vous allez vous « éveiller » aux situations à risque, aux distances à respecter pour se maintenir en sécurité. Vous voyez que je n’ai pas parlé de techniques jusqu’ici !

 

De la même manière si vous êtes chanceux, votre enseignant va vous proposer à un moment des jeux où il y a un groupe de plusieurs personnes face à une personne seule. Si vous jouez à cela, vous allez très vite comprendre qu’un assaillant seul aura beaucoup de difficultés à réussir son coup quand bien même il est techniquement pas mauvais. Il faut vraiment avoir un très très bon niveau pour toucher plusieurs victimes et s’en sortir indemne. Alors peut être que ces jeux martiaux, dans une situation du quotidien pourraient aider à motiver les personnes autour à intervenir. Si cet agresseur avait été entouré par 4 ou 5 adultes, il aurait sans doute hésité beaucoup plus. Sans compter que dans ces situations, toute arme par destination est bonne à prendre. Une ceinture, une chaise, un manteau, un bâton, tout ce qui est à portée de main afin de ré-équilibrer l’échange. Pas besoin d’être ceinture noire pour se débrouiller et éviter un coup fatal.

 

Voilà à quoi servent aussi les arts martiaux. Se mettre dans un environnement sécurisé pour apprendre à découvrir des situations nouvelles. Apprendre nos comportements, nos réflexes et tenter de prendre quelques bonnes habitudes qui peuvent se révéler salutaires. Alors j’entends souvent des personnes réagir en disant « les arts martiaux ? ah non pas pour moi, je n’aime pas la violence, je n’ai pas envie de me battre ».

 

C’est là que le choix de l’école peut s’avérer important ! Toutes les écoles ne forment pas des combattants prêts à entrer dans un ring, toutes les écoles ne proposent pas des échanges un peu durs, toutes les écoles ne fonctionnent pas sur une base compétitive. Il y a beaucoup de lieux où apprendre en confiance est tout à fait possible. Chez France Wing Chun, autant que je me souvienne, je n’ai pas eu à déplorer de blessures autres que des bleus, et certainement pas à tous les cours. Et puis surtout apprendre un art martial, au-delà du côté pratico pratique de savoir se défendre, a tellement d’autres vertus qu’il ne faut pas hésiter à entrer dans une salle de pratique !

 

Alors encouragez vos proches, encouragez les professeurs, les éducateurs, à venir aux arts martiaux. Encouragez-les à contacter les profs d’arts martiaux pour qu’une formation adaptée puisse leur être proposée. Peut être que cela sauvera quelques vies. Peut être que si un tel scenario vient à se reproduire, aucun professeur, aucun éducateur ne s’approchera dangereusement près de l’agresseur, quand bien même il le connait. Peut être que des chaises serviront à créer un barrage, le temps que les forces de l’ordre prennent le relai. Peut être que le coup de couteau qui sera porté touchera un bras plutôt qu’un cou. Aucun professeur, aucun civil ne devrait être exposé à ce qui s’est passé. Aucun ne devrait perdre la vie ainsi. Mais il est évident que la violence ne diminuera pas, alors peut être qu’il est temps de se rappeler des conseils de ceux qui nous ont précédés dans des temps de grande violence : « si tu veux la paix, prépare la guerre… ».

 

Pour terminer sur une note plus positive, il ne faut pas oublier que les arts martiaux peuvent devenir addictifs et être source d’épanouissement personnel, source de questionnements, de recherche, source de bien être physique et mental, source d’oubli du quotidien pour un instant, source de recentrage. La violence est dans le monde, pas dans nos salles de pratique, alors… à bientôt !

Lionel Roulier