La faiblesse des Arts Martiaux
Du naturel/non-naturel au non-naturel/naturel
Cette phrase prononcée par Bruce Lee lors de son interview par Pierce Burton en 1971, résume tout ce qui fait la qualité des arts martiaux, mais aussi leur plus grande faiblesse dans un monde comme aujourd’hui ou tout doit aller vite.
Les arts martiaux c’est prendre une personne qui se battrait de manière naturelle, c’est-à-dire avec ses instincts basés sur :
- ses possibilités physiques, exemple un coup de poing pas très bien fait, une respiration qui frise l’apnée, etc…
- ses possibilités de réactions mentales, personne défensive, offensive ou une personne qui fige.
Puis l’amener à avoir plus de compétences
- Corporelles, un coup de poing qui s’oriente mieux, une respiration plus fluide, etc…
- Mentales, avec une possibilité de ne pas rester sur le mode défense ou attaque ou figé mais pouvoir s’adapter
- Méthode de combat avec plus de solutions, afin qu’elle puisse mieux se sortir de situationsplus orientées vers l’agression où la vie est en jeu.
Un pratiquant devrait donc être plus performant qu’un non pratiquant, malheureusement ce n’est pas toujours vrai, car le pratiquant va par l’apprentissage de l’art martial perdre la naturalité qui lui permettait d’être réactif rapidement même si il était désordonné. Par la non-naturalité de sa formation, ses temps de réaction vont augmenter, voireil va se focaliser sur juste un groupe de techniques car ce sont celles vues à l’entrainement.
Je me souviens de la première chose que Maitre Mak Kwong Kuen m’a dite en commençant ma pratique du Wing Chun :« Bravo tu à fait le bon choix, maintenant ne te bats surtout pas car tu perdras ».
A l’époque je faisais du Kung Fu déjà depuis plusieurs années et je n’ai donc pas compris mais il avait raison, mes performances en combat (que je trouvais ridicules – de làmon choix de faire du Wing Chun – mais qui me permettaient somme touteun peu de résultats) et bien mes performances ont baissé. Je devais respecter la ligne centrale, les coudes statiques, et donc tout ce que j’avais mis du temps à avoir, coup de pied haut et coups de poings arrondis, d’un coup était mis au placard.
Bien sûr les concepts du Wing Chun sont vendus comme les solutions ultimes pour le combat mais il faut l’avouer, tant qu’on n’a pas bien compris, ensuite assimilé puis ensuite que cela devienne une seconde nature et bien respecter ces règles peut vous faire perdre un combat, voire pire ne pas vous permettre de vous défendre correctement lors d’une agression.
Il en est de même avec tous les arts martiaux, tant qu’un pratiquant de lutte ou de judo n’a pas le sens du déséquilibre ou de la manipulation de corps, tant qu’un pratiquant d’aïkido n’a pas les bonnes sensations de saisies etc… et bien leurs performances sont très réduites.
C’est vrai qu’alors les sports de combat tels que la boxe, le MMA ou le krav Maga, qui mettent en avant le potentiel du moment, sont plus accessibles rapidement et donc prennent l’apparence de méthodes beaucoup plus efficaces.
Maitre Mak, un jour après presque 10 ans de pratique m’a dit « c’est bon Lionel maintenant tu peux ouvrir ton école ». Ce fut une surprise pour moi et je lui demandais comment il pouvait savoir que c’était le bon moment, il me dit juste que si j’étais défié en combat je saurais réagir comme il faut. Sur le coup je vous avoue que je me suis dit ok moi j’en suis pas sûr du tout, mais avec l’expérience, je me suis rendu compte qu’il avait eu raison car dès que je faisais des échangesje n’arrivais pas forcement à gagner mais mon corps mettait en place les ressources nécessaires pour ne pas être mis à mal, le naturel avait fait son retour.
Que de chemin pour en arriver là !
Mais alors que faire, des arts martiaux ou des sports de combat ?
Personnellement je pense qu’il y a un facteur de durée qui intervient entre l’art martial et le sport de combat.L’art martial s’ancre au fond des fibres du corps et sera toujours présent car on y apprend à s’adapter malgré l’âge. Les sports de combats restent tant que l’on s’entraine mais risquent de décliner rapidement si l’on s’arrête ou si l’âge nous rattrape.
Et puis, il faudrait peut être aussi se dire qu’une partie de l’art martiale devrait être plus amusant et ludique comme peuvent être les sports de combat et les sports de combat devrait être plus technique et structuré comme les arts martiaux.
Comment se fait-il que dans les arts martiaux, nous passons du naturel au non-naturel et tellement de pratiquants ont du mal à retourner au naturel ?
Je pense que l’effet cinéma a pu jouer. Aujourd’hui encore tout le monde veut voir le pratiquant d’arts martiaux appliquer des techniques de son style d’une manière impeccable et sans faille tel un Jet Li ou un Donnie Yen. On oublie souvent que l’efficacité n’est que simplicité.
Je pense aussi que les professeurs d’arts martiaux ont parfois du mal à retourner au naturel tant que leurs élèves n’ont pas les techniques parfaites ou que les pratiquants veulent trop vite revenir au naturel (voir ne pas quitter leur naturel) sans avoir assimilé l’art qu’ils pratiquent. On oublie souvent que l’art n’est qu’un support pas une doctrine.
Nous avons tous un questionnement à avoir afin de continuer à faire vivre notre/ nos arts si nous ne voulons pas que seuls restent les sports de combat !